Depuis une quinzaine de siècles, le son des cloches ponctue la vie des populations, croyantes ou non. Dans de très nombreuses communes, il est très courant d’entendre les cloches sonner plusieurs fois par jour, matin, midi et soir, à l’heure de l’angélus, ainsi qu’à l’occasion des différentes cérémonies religieuses. Elles peuvent également retentir en cas d’incendie ou lors de grands événements comme la libération, l’élection d’un pape, etc. Aujourd’hui, rares sont les églises où l’électricité n’a pas remplacé la main de l’homme pour les mettre en branle. Les sacristains d’autrefois rythmaient ainsi la vie de villes et villages à la force de leurs bras ; à présent, il suffit d’une télécommande.
Le 24 juin 1849, l’église fut ouverte au culte par les pères rédemptoristes. Ses deux clochers n’abritaient alors aucune cloche. Le père Pilat, C.SS.R., cumulait la charge de supérieur du couvent de la Madeleine, dont seule l’église subsiste aujourd’hui, en face de la gare Centrale, et de la nouvelle maison du quartier Léopold.
Il eut l’heureuse inspiration de placer à Saint-Joseph une cloche à laquelle s’attachaient des souvenirs intéressants : donnée par un certain Sieur Hubot au prieuré de Groenendael fondé en 1343, elle appelait alors aux offices les chanoines réguliers de saint Augustin du célèbre monastère où vécut le grand mystique brabançon, le bienheureux Jean de Ruysbroeck, qui fut longtemps vicaire à la cathédrale Sainte-Gudule, mais fut également prieur de sa communauté.
Après la suppression de ce monastère par l’empereur Joseph II, en 1784, la cloche fut sauvée et c’est ainsi qu’elle se retrouva dans le campanile de l’église de la Madeleine. Quelques années après, sur l’ordre de commissaires de la Convention (révolte contre l’empereur Joseph II), la plupart des cloches furent saisies et vendues.
Mais un brave bruxellois parvint à cacher la cloche, et il la rendit à l’église de la Madeleine vers l’année 1818, sous l’occupation de la Belgique par la maison d’Orange (Pays-Bas). Cette antique cloche de Groenendael n’était pas proportionnée aux vastes dimensions de l’église Saint-Joseph, dont les tours méritaient un bourdon de cathédrale. Une occasion s’offrit pour l’acquérir en 1856. En cette année, la Belgique célébrait le 25ème anniversaire de l’avènement du roi Léopold Ier, sur la place en face de l’église. On décida de garder le souvenir de cette grande manifestation, en consacrant une partie des subsides reçus à cette occasion du gouvernement à l’achat d’une cloche qui porterait le nom du premier roi des Belges. En général, les églises possèdent trois cloches ; l’église Saint-Joseph en a deux : la petite cloche de 130 kg venant du prieuré de Groenendael et un bourdon baptisé le 3 mars 1857 Leopoldina et dont le poids est de 2175 kg. Sur le pourtour supérieur de ce dernier se trouve l’image des douze apôtres, sous des baldaquins soutenus par des anges. Quant au pourtour médian, il porte l’inscription suivante (en latin) : « Mon nom est Leopoldina. Je proclame que Léopold Ier, roi des Belges, règne depuis vingt-cinq ans. 1856. »
Sous cette inscription, on peut voir les armes de la famille de Meeûs, avec de part et d’autre la représentation de la médaille frappée à l’occasion de la pose de la première pierre. Au centre, se trouvent six figurines : Notre-Dame du Bon Conseil, saint Joseph, patron de l’église, saint Léopold, saint Alphonse, fondateur de la congrégation, saint Ferdinand et sainte Anne, patrons du comte et de la comtesse de Meeûs. Enfin, sur le pourtour inférieur de la cloche se trouve écrit (également en latin) : « Le noble seigneur Ferdinand, comte de Meeûs d’Argenteuil et madame la comtesse Anna, son épouse, furent mon parrain et ma marraine. » Depuis ce jour, la voix de bronze de Leopoldina a convoqué les fidèles aux offices et aux grandes solennités religieuses et s’est associée à toutes les grandes joies et deuils de notre Patrie. C’est elle qui, le 3 novembre 1902, annonça la première au pays l’heureuse naissance du futur Léopold III, survenue à l’ombre des tours de Saint-Joseph, en cet hôtel d’Assche, où s’étaient établis nos futurs souverains, le prince Albert et la princesse Élisabeth.
En juillet 1941, un décret de recensement général des cloches fut publié par les autorités d’occupation en vue de leur confiscation. Grâce aux protestations du cardinal van Roey et les démarches entreprises pour que les cloches de Saint-Joseph soient inscrites sur la « liste des cloches historiques », l’exécution du décret fut reculée. Mais le 13 mai 1943, les troupes allemandes se présentèrent pour les faire descendre et quelques jours plus tard elles prirent le chemin de Hambourg afin de servir à la fabrication d’obus. Deux ans plus tard, à la fin de la guerre, le 24 octobre 1945, elles furent ramenées en Belgique par les soldats américains. Malheureusement Leopoldina était fort endommagée ; une refonte à l’identique s’imposait.
Ce travail accompli, elle fut rebaptisée le 29 mai 1949 par Mgr Maximilien de Fürstenberg (1904-1988), délégué apostolique au Japon et futur cardinal. Et comme en 1857, ce furent deux membres de la famille de Meeûs d’Argenteuil qui firent office de parrain et marraine. Lors de l’acquisition de l’église Saint-Joseph, une des premières préoccupations de la Fraternité Saint-Pie X fut de pouvoir faire sonner les cloches à toute volée le jour de l’inauguration. Contact fut pris avec la société Clock-O-Matic de Holsbeek1. Malheureusement on constata que le bâti et les jougs supportant les cloches étaient trop endommagés pour permettre de les faire sonner. Les risques étaient trop grands pour tenter l’opération.
La décision fut prise d’installer provisoirement un battant sur la grosse cloche pour faire sonner l’angélus et les heures. À ce jour, les structures des cloches ont été remplacées par un bâti en acier galvanisé, et les cloches sont activées par un système électronique de type Movotron, permettant l’activation manuelle ou automatisée. Concernant la consécration des cloches, on peut lire le souhait suivant dans le Pontifical romain : « Que la vraie dévotion puisse croître en leurs âmes chaque fois qu’ils entendront le son de cette cloche ».